21/5/2025
Alors que la nouvelle administration Trump est investie depuis peu, il semble impossible d’envisager les relations sino-américaines sans soulever la question taïwanaise. L’intensification actuelle des tensions entre les États-Unis et la Chine ne fait qu’accentuer l’importance de l’île, désormais perçue comme élément d’un jeu à somme nulle. En 2022, Joe Biden répondait dans une interview que “Oui [les forces américaines défendraient l’île] si il y avait en effet une attaque sans précédent”. Aujourd’hui, cet engagement apparaît moins certain avec Donald Trump qui continue à user de l’ambiguïté stratégique posée par un cadre juridique flou. Le Communiqué de Shanghai, signé en 1972, reconnaît l’existence d’une seule Chine de part et d’autre du détroit. Ce dernier ne définit toutefois pas qui de Pékin ou de Taipei représente la véritable Chine. Par la suite, le Taiwan Relations Act de 1979 reconnaît une entité spécifique à Taïwan sans mentionner la Chine. Cette loi souligne par ailleurs qu’il est dans l’intérêt des Etats-Unis de préserver la stabilité dans le détroit, et ceci par la vente d’armes défensives à Taïwan. Ensuite, en 1982, les Six Assurances de Reagan constituent une réassurance pour Taïwan par la clarification des principes régissant les relations entre les États-Unis et Taïwan. Elles s’attachent à rassurer Taïwan que les États-Unis maintiendraient leur engagement en matière de sécurité sans reconnaître la souveraineté de la Chine sur Taïwan. La législation demeure aujourd’hui stable grâce au consensus de 1992. Aujourd’hui, face aux démonstrations de force de Pékin et au désengagement international de Washington, ce corpus pourrait bien signifier l’absence d’un partenaire fiable pour Taipei. S’il existe une crainte que Trump, en magnat des affaires, signe un accord avec la Chine, c’est sans compter sur l’unicité de Taïwan dans la chaîne de production de valeur mondiale. Il s’agit donc ici d'interroger la conjecture actuelle pour deviner les implications de la politique sous Trump 2.0 pour Taiwan.
Sans nul doute, le cheval de bataille de la campagne présidentielle américaine a été le pouvoir d’achat. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, les mesures hostiles à la concurrence étrangère sont tombées en cascade, faisant du protectionnisme le maître mot de ce début de mandat. Les tarifs douaniers sont la solution privilégiée par l’administration pour relancer les industries critiques et ajuster les balances commerciales. Ceux-ci sont employés dans une stratégie “pressure first negociate later” (faire pression maintenant, négocier plus tard). Si ces méthodes permettent aux Etats-Unis d’obtenir gain de cause en forçant l’adaptation des structures économiques étrangères, elles créent un climat économique instable pour l’économie mondiale qui s’illustre déjà sur les marchés financiers. C’est dans ce cadre que la guerre économique sino-américaine évolue et impacte le marché global. Mais Trump ne s’arme pas de tarifs douaniers uniquement pour ses adversaires, ainsi après avoir crié au “vol” de l’industrie des semi-conducteurs par Taïwan, des pressions économiques se sont faites sentir à Taipei. Alors que Washington annonçait une balance déficitaire record face à Taïwan qui était placé sur liste de contrôle par Peter Navarro, conseiller commercial de Trump, le plan d’investissement de TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) de 100 Milliards de Dollars a semblé calmer les pressions étasuniennes. Le tout récent “Liberation Day”, ce 2 avril 2025 a de nouveau souligné l’instabilité de l’administration Trump par une surtaxe douanière de 32% pour les exportations taïwanaises, une mesure douloureuse pour l’économie insulaire mais qui ne touche toutefois pas les semi-conducteurs. En effet, en 2023 la Secrétaire Générale au commerce des États-Unis estimait que “les États-Unis achetaient 92% de leurs puces de pointes à TSMC”. Même en excluant ce secteur, la Maison Blanche attaque avec ce taux, qui se situe seulement 2% en dessous des 34% additionnels imposés à la Chine, pourtant annoncée comme grand ennemi de ce mandat. Le président américain qui déclarait récemment vouloir rendre aux Etats-Unis son âge d’or semble ne plus différencier ses alliés et ses adversaires ce qui pose une menace conséquente à Taïwan par sa dépendance à l’économie américaine et aux Américains en général.
Ayant une conscience aiguë de la sujétion à Washington, Taipei développe depuis des années sa stratégie dite du porc-épic. Celle-ci consiste, dans un contexte de guerre asymétrique, à protéger les centres névralgiques tout en rendant particulièrement difficile et coûteuse l’invasion notamment le débarquement amphibie. Cela passe par le déploiement d'armes défensives peu coûteuses, telles que des drones et des missiles anti-aériens et antinavires qui permettent de faire face à une armée plus grande et plus puissante. Le caractère insulaire de Taïwan, en accord avec la stratégie du porc-épic, représente un atout du fait de la facilité relative à en défendre le territoire limité. Cette posture principalement défensive est encouragée par les États-Unis qui se sont engagés par le Taiwan Relation Act à ne fournir que des armes défensives. Taipei, qui s’était engagée, courant 2024, à s’autonomiser dans sa défense par le vote d’un budget plus massif de la défense se retrouve désormais dans l’impasse. Bien que l’île tente de développer ses capacités de défense indigène, y compris par la fabrication d’armes offensives, il est hautement improbable que Taïwan puisse intégralement s’autonomiser sans coopération internationale. Les menaces de Pékin se faisant plus pesantes et imminentes, Taïwan cherche donc à acquérir, auprès des américains, du matériel offensif. Si les États-Unis s’étaient jusqu’alors refusés à cela, la conclusion d’un accord d’armement conséquent pourrait participer à réduire les tensions liées à la balance déficitaire américaine. Premier poste de dépense taïwanais chez les américains, la défense taïwanaise se retrouve doublement dans l’impasse par un recul politique. Le président Lai, issu du Democratic People Parti (DPP) et œuvrant pour une plus grande indépendance de Taïwan est contraint par la coalition du Kuomintang (KMT) et du Taiwan’s People Party (TPP) au sein du Legislative Yuan, l’assemblée parlementaire. Alors que les liens entre le KMT et le Parti Communiste Chinois (PCC) ont toujours été tendancieux, ceux-ci ont fait marche arrière en votant pour une baisse du budget plus tôt cette année. Le ministère de la défense alerte sur cette coupe, défendant l’importance des fonds alloués pour l’indépendance de Taïwan. Convaincre les Américains de dépasser l’ambiguïté stratégique semblait déjà improbable au vu de la politique extérieure mise en place ces derniers mois, mais la discorde au sein du paysage politique taïwanais achève l’espoir d’une autonomisation militaire dans un horizon proche.
Alors que Taïwan est embourbée dans une stagnation militaire, son atout principal fait aussi face à de nouveaux challenges. TSMC est l’entreprise au coeur des convoitises : détentrice de 90% du marché des semiconducteurs avancés, elle est le maillon clé du marché mondial des nouvelles technologies. D’importance première pour n’importe quelle puissance voulant assumer une position hégémonique, la pénurie causée par la COVID-19 ajoutée à la course aux technologies civiles et militaires a mis l’accent sur les risques géopolitiques de l’industrie et la position essentielle de TSMC pour la chaîne de valeur. Bien que TSMC ne soit pas l’unique fournisseur de semi-conducteur, son innovation vers des puces de plus en plus petites et performantes reste unique. De ce fait, une pression accrue pour délocaliser l’industrie et minimiser les risques encourus par celle-ci si elle reste concentrée à Taïwan est exercée de la part des acteurs dépendants. Dans ce cadre, des fonderies ont été ouvertes aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Europe. Ce changement de cap inquiète sur la capacité du “bouclier de silicium” à continuer de protéger Taïwan de l’invasion chinoise. Atout précieux pour Pékin comme pour Washington, Taipei semble privilégier ces derniers dans ce dilemme. En effet, les entreprises américaines comptent pour 65% des ventes de TSMC tandis que la Chine se classait deuxième avec Huawei comme deuxième plus gros client derrière Apple. En mai 2020, le Bureau de l’Industrie et de la Securité américain, a renforcé sa politique pour empêcher Huawei d’accéder aux technologies américaines. Dans ce cadre, TSMC a été forcé de renoncer à son deuxième plus gros client pour continuer à entretenir des relations commerciales avec les États-Unis. Cette première contrainte a par la suite été renouvelée avec le Chips and Science Act qui, dans un objectif d’autonomisation des États-Unis, subventionne des entreprises pour qu’elles produisent sur le sol américain. En échange, les firmes s’engagent à ne pas étendre leur capacité de fabrication dans des pays considérés comme préoccupants. La Chine faisant partie de ces pays et TSMC y étant implanté, cette loi contrecarre les projets de développement commercial de l’entreprise en Chine continentale pour les dix années à venir. Obligée de se détourner d’un système de production “taïwano-centré”, cette pression externe remet en question la cause de l’efficacité du modèle. Le plan d’investissement en Arizona récemment annoncé pourrait faire croire à une fissure de plus dans le bouclier de silicium. En effet, si les technologies les plus performantes restent bien gardées sur l’île, cette collaboration commerciale de plus en plus étendue laisse entrevoir un risque accru de dissémination du secret industriel, ce qui préoccupe les taïwanais. Dans un récent sondage, près de 85% des taïwanais disaient s’opposer au transfert des puces de 2 nanomètres, conscients qu’elles sont peut-être le dernier rempart dissuasif pour Pékin. En février, le président Lai s’annonçait confiant envers la seconde administration Trump et présentait sa politique comme une chance pour Taïwan de devenir plus compétitive, cette position semble aujourd’hui chanceler. La confrontation sino-américaine s’illustre en faisant d’un marché à plus de 500 milliards de dollars un jeu à somme nulle qui place Taïwan dans une position inédite.
Les méthodes brutes de Trump parfois qualifiées de “pratiques au style mafieux” dans une logique de “paix par la force” s’illustrent parfaitement lorsqu’il accuse Taïwan de voler l’industrie américaine ou qu’il appelle Taipei à payer pour sa propre défense. On comprend par là un “lâchage” de son allié qui sans l’Indopacom et les renseignements pourrait se retrouver en difficulté. Cette diplomatie coercitive à l’égard de Taïwan donne des signaux contradictoires. Alors que le Japon et les Etats-Unis déclaraient conjointement “l’importance de maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan comme un élément indispensable de la sécurité et de la prospérité pour la communauté internationale”, on pensait assister à un effort de la part de Taipei et de Washington pour maintenir cette alliance. Cependant, quelques jours plus tard, une mesure troublante est accueillie à grand bruit par la presse Taïwanaise : le Département d’État enlève la mention de non-indépendance de Taïwan de son site. Dans le même temps, la page chinoise est modifiée pour faire apparaître le nom du parti au pouvoir et remplace la mention “République Populaire de Chine” par “Chine”. Si cela peut être interprété comme un pas vers la reconnaissance de la souveraineté taïwanaise, cela a semblé irriter le gouvernement chinois. De ce fait, le renforcement de l’ambiguïté stratégique endommage Taïwan plus que l’inaction stable des administrations américaines précédentes. Ces mesures semblent d’autant plus étranges au vu de la rupture nette de Donald Trump avec le camp Républicain, traditionnellement en faveur de Taïwan.
Parallèlement au ralliement à Poutine dans le cadre du conflit en Ukraine, l’abandon de Taïwan rompt de la même manière avec des positions historiques des Républicains. On affirmait encore récemment qu’il existe un « très fort consensus bipartisan sur le fait qu’il est stratégiquement, économiquement et moralement dans l’intérêt des Etats-Unis de préserver la paix et la stabilité de part et autre du détroit », ce que l’historique du parti républicain prouvait jusqu’alors. En 1949, déjà assistait-on à un soutien certain des républicains à Taïwan dans le cadre idéologique de la lutte contre le communisme. L’appui du parti a connu des débats tout en se manifestant de manière constante à Taipei. Lors de la campagne présidentielle américaine de 2016, les républicains promouvaient largement la participation de Taïwan aux organisations internationales ou la vente d’armes, un discours que Trump soutenait. Peter Navaro, aujourd’hui en charge du commerce critiquait vivement Obama et ses prédecesseurs pour leur complaisance envers la Chine. En 2020, des élus républicains avaient apporté leur pierre à l’édifice en proposant des lois comme le Taiwan Defense Act ou le Taiwan Symbols of Sovereignty Act, des actes politiques forts et clairement en faveur de l’indépendance de l’île. À l’aube de son premier mandat Trump et la présidente nouvellement élue à Taïwan, Tsai Ing-wen échangeaient au téléphone, une démarche inédite pour un président américain. Cette première depuis 1979 a d’abord été perçue comme une avancée spectaculaire vers la possible normalisation des relations, néanmoins le président américain s’est presque immédiatement contredit de manière jugée incohérente et virulente. Agissant dans sa logique d’homme d’affaire il déclarait alors “tout est sujet à négociation, y compris la politique de la Chine unique”. Cette annonce remettait en question à la fois les acquis du statu quo mais aussi le soutien tout entier des républicains. De nouveau, en février dernier, il n’excluait pas un possible accord avec la Chine, signe que son instabilité demeure d’un mandat l’autre. Lors de son dernier mandat, le renouvellement des ventes d’armes à Taïwan et les opérations intensifiées pour la liberté de navigation en Mer de Chine Méridionale contrastaient avec les accords conclus avec Pékin, signe d’une politique avant tout nationaliste et à la recherche du profit.
L’ambition économique certaine derrière ces réformes ne doit pas pour autant occulter les stratégies et retombées politiques de la gouvernance américaine et taïwanaise. La rivalité économique revêt parfois des allures de guerre froide, ce qui nous permet de nous référer à des éléments historiques pour tenter d’expliquer les éléments actuels. Dans les années 1970 et sous la présidence de Nixon, un effort de triangulation entre les deux puissances communistes (la Chine et l’URSS) et les États-Unis a abouti au creusement de l’écart entre les deux nations rouges. La “Reverse Nixon Theory”, ou théorie de Nixon à l'envers, serait ainsi la raison du rapprochement entre Washington et Moscou. La Russie et la Chine, partenaires solides partagent en effet certains intérêts tout en se contredisant sur d’autres. Cette alliance s’est renforcée avec la guerre en Ukraine et les sanctions Russe qui ont poussé le Kremlin à consolider d’autres ententes. Le secrétaire d’État Marco Rubio avait d’ailleurs rappelé qu’isoler la Russie provoquerait une dépendance accrue à la Chine. Le risque potentiel de voir deux puissances nucléaires s’aligner contre les États-Unis poussait Marco Rubio à dire qu’il était nécessaire d’empêcher la Russie d’être en permanence aux crochets de la Chine. S’il existe un consensus au sein des experts pour déclarer qu’en l’état actuel des choses, il est hautement improbable qu’une telle manœuvre fonctionne, le revirement de situation en Europe de l’Est inquiète. Le lynchage de Zelensky a la Maison Blanche a été suivi de près à Taïwan où des figures politiques se sont empressées de ramener le calme en déclarant “nous ne sommes pas l’Ukraine”. Le parallèle étant certes évident, les tenants et les aboutissants dans chacun des conflits diffèrent tout de même largement. Le demi-tour de Trump sur la situation en Ukraine pourrait, comme cela est craint, encourager l’impunité de la Chine mais sous une perspective économique cela pourrait, a contrario, refocaliser le soutien sur Taïwan et donc améliorer les perspectives à venir. Le flou stratégique semble montrer la première voie comme l’illustrent les déclarations d’Elbridge Colby, haut responsable à la défense, qui annonçait que l’intérêt principal des États-Unis était de bloquer la Chine dans sa quête d’hégémonie et que Taïwan rentrait dans ce cadre sans être un intérêt existentiel. Cette perspective réaliste, portée par Colby pourrait être le signe d’une doctrine de politique extérieure d’affrontement des grandes puissances. Ainsi, un déploiement à Taïwan ne serait envisagé que pour protéger l’intérêt vital des États-Unis dans un dernier recours pour empêcher la Chine d’atteindre une position considérée dangereuse. C’est la stratégie d’offshore balancing ou équilibrage à distance, une théorie développée par John Mearsheimer qui permettrait la réduction des coûts et la pérennisation de la puissance américaine. Cette perspective ne vise en aucun cas le maintien de la paix, perçu comme une dépense et un engagement superflu. Cette doctrine fait particulièrement écho à une politique drastique de réduction des coûts et de protectionnisme mise en place depuis le début de ce second mandat. Ce retrait qui serait donc stratégique et mesuré, sème le doute, ce que Pékin ne manque pas d’utiliser. Au lendemain de l’altercation américano-ukrainienne on lisait dans le South China Morning Post que cela devrait «réveiller davantage de Taïwanais à propos de leur dépendance mal placée à l’égard des Américains». Ces avertissements s’accompagnent de l’intensification récente des exercices de l’armée chinoise autour de Taïwan, destinés à sonder la réelle dépendances aux États-Unis comme garants de la sécurité. Elles témoignent aussi d’une posture chinoise renforcée par le flou américain.
Dans ce contexte, il devient plus qu’urgent pour Taïwan de s’armer diplomatiquement. La perte d’alliés diplomatiques s’est accentuée ces dernières années face à la pression commerciale systématique du PCC. C’est à travers un travail diplomatique de longue haleine de Taipei à su s’immiscer dans l’exigü espace diplomatique qui lui était laissé. La signalisation de Taïwan à l’étranger et notamment à ses partenaires diplomatiques porte ses fruits face à l’instabilité et l’agressivité américaine. La signalisation se définit comme «une forme de politique étrangère visant à façonner la perception et le comportement d’autres acteurs par une stratégie de communication». Principalement sous les mandats de Tsai Ing-wen, Taïwan s’est présenté comme un acteur partageant des valeurs démocratiques, ce qui a résonné avec les États-Unis et l’Union Européenne. Taipei s’est servi de plateformes déjà existantes avec des partenaires pour introduire ce message. La prégnance économique de l’île dans la chaîne de valeur technologique a été instrumentalisée à l’avantage de Taïwan pour souligner l’indispensabilité d’entreprises locales mais aussi leur compatibilité avec les industries partenaires. Enfin, Taïwan s’est attaché à faire reconnaître ses ambitions pacifiques. Ces trois axes semblent avoir été reconnus par les acteurs étrangers et permettent à Taipei d’esquisser des partenariats, parfois en dehors de la tutelle américaine. Ces efforts pour découpler Taïwan de la Chine se distinguent particulièrement alors que l’île annonce une politique vers l’est et le sud. Historiquement, Taïwan entretient des relations fortes et profondes avec l’Asie du Sud-Est. Avec dix bureaux d’affaires économiques et consulaires dans les douze pays de l’ASEAN, les relations avec ces pays s’avèrent compliquées et marquées par l’empreinte chinoise. La politique intérieure taïwanaise révèle deux courants divisés sur les relations extérieures, ce qui impacte significativement la stabilité des accords. Le KMT promeut un rapprochement de la Chine pour une meilleure considération en opposition avec le DPP qui envisage une solution plus internationale à la marginalisation économique. Au pouvoir depuis 2016, le DPP travaille à diversifier ses partenaires. La nouvelle politique “vers le sud” (New Southbound Policy +) envisage ces relations dans un cadre plus large : celui de l’accession au Partenariat Transpacifique Global et Progressiste (PTPGP). Cet accord de libre échange entre onze pays d’Indo-Pacifique contribue à la marginalisation de Taïwan qui n’en fait pas partie. Encourager les liens commerciaux et la connectivité interpersonnelle avec les pays partenaires de la NSP+ permettrait la croissances du nombre d'accords de libre échange conclus, en attendant l’inclusion dans un accord global. Par le renouveau de sa politique étrangère, Taïwan entend également se tourner vers l’est et les États-Unis et l’Union Européenne, réceptifs au discours de la démocratie se dressant contre l’autoritarisme. L’Europe s’annonce être un acteur prenant de l’importance pour Taïwan alors que faute d’actions politiques stables, claires et significatives, Taipei a mis l’accent sur la technologie en attendant une stabilisation des relations avec Washington.
L’avenir de Taïwan sous la seconde administration Trump se caractérise pour le moment par l’incertitude. Si l’ambiguïté stratégique est un pilier des relations sino-américaines depuis des décennies, elle est aujourd’hui régie par un paradigme économique qui remet en cause la solidité des engagements. L’instabilité politique américaine, la reconfiguration des chaînes de valeur mondiales et l’approche transactionnelle du président Trump poussent Taïwan à réévaluer ses alliances et sa stratégie de sécurité. La diplomatie taïwanaise se veut ainsi proactive, cherchant à élargir son ancrage international au-delà de la seule relation avec Washington. La diversification diplomatique et commerciale, notamment vers l’Asie du Sud-Est et l’Europe, apparaît comme une réponse lucide à l’instabilité. Cependant, ces efforts restent freinés par la réalité géopolitique qui est celle de l’isolement et des limites matérielles évidentes. Le désengagement américain laisse deviner un vide sécuritaire que Pékin pourrait être tenté d’exploiter. Toutefois, bien que l’autonomie stratégique taïwanaise soit encore hors de portée, elle ne signifie pas pour autant la fatalité d’une invasion imminente. Plus que jamais, nous nous situons à un tournant stratégique crucial pour Taïwan dont l’autonomie stratégique reste encore hors de portée et qui devra, en conséquence, lutter pour rester indispensable à ses partenaires sans abandonner sa souveraineté à un protectorat américain.
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