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Tribune - De l’urgence de rétablir le dialogue avec la Russie

Citer cet article (ISO-690) :
Denis RICHARD
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2025
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Tribune - De l’urgence de rétablir le dialogue avec la Russie
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CEDIRE.

Par Denis Richard, consultant export vers les pays d'ex-URSS. Cette tribune, qui n'engage que son auteur, s'inscrit dans la volonté du CEDIRE de refléter la diversité d'opinions.



Il y a un an, j’affirmais dans les colonnes du Kautilya que la guerre en Ukraine est un échec stratégique pour les Occidentaux. Nous n’y avons rien gagné. Pire, le conflit a précipité le déclin de l’influence occidentale sur la scène internationale. Une analyse qui demeure d’actualité et que j’invite nos lecteurs à découvrir.

Outre-Atlantique, nos alliés américains en ont bien pris conscience. L’administration Biden avait déjà discrètement réduit son soutien à l’Ukraine de $22 Md d’aide en 2023 à $15 Md en 2024 (selon les données de l’IfW Kiel), cherchant à se désengager d’un conflit qui se transforme en impasse stratégique et à l’heure où les Etats-Unis se recentrent sur le théâtre indo-pacifique. L’administration Trump semble vouloir précipiter les choses et a engagé des pourparlers avec la Russie dont nous, Européens, sommes exclus. Les discussions à Riyadh ne portent pas que sur la guerre en Ukraine mais aussi sur le nucléaire iranien, les sanctions imposées à la Russie ou encore le marché énergétique européen.

Pendant que russes et américains se mettent d’accord, la plupart des dirigeants européens semblent toujours vouloir infliger à la Russie une défaite stratégique. C’est pourtant une déroute ukrainienne qui se dessine : taux de désertion qui explose, manque de personnel de plus en plus sévère, échec absolu de l’offensive de Koursk, progression lente mais accélérée de l’armée russe… Qui plus est, les Européens s’avèrent désunis concernant la stratégie à suivre. L’Europe de la défense ? Ce sera sans l’Italie. Envoyer des volontaires en Ukraine ? Ils seraient seulement français et britanniques. Mais surtout, à l’exception de la Hongrie et de la Slovaquie, personne n’envisage pour le moment la réouverture d’un dialogue avec la Russie.

Si l’on veut une issue du conflit qui nous soit un minimum favorable, il devient urgent de rouvrir à notre tour les canaux de communication avec Moscou. Ce manque de réalisme, ignorant les réalités du terrain, est consternant. Tant que nous ne sommes pas à la table des négociations, nous sommes au menu. Alors que les Américains négocient avec les Russes des garanties en Ukraine pour leurs entreprises, qui sont également dans les starting-blocks pour opérer leur retour sur le marché russe (à Moscou la rumeur parle même d’un retour de Visa et Mastercard), nous, Européens, restons fidèles à une posture absurde, idéologique, qui n'est pas nouvelle. Cette posture repose sur une vision infantile des relations internationales, où le président Poutine chercherait à rétablir l'Union Soviétique, où parler aux Russes c'est répéter les accords de Munich de 1938, où depuis vingt ans l'on préfère ignorer les considérations de sécurité russes.

Si l’on s’obstine à refuser de négocier, quel sera le retour sur nos investissements des trois dernières années si, dans le pire des scénarios, le territoire ukrainien tombait sous contrôle russe ou qu’une administration pro-russe arrivait au pouvoir à Kiev ? Est-il vraiment souhaitable de poursuivre une confrontation à outrance avec Moscou ? Après tout, quoi qu’on en pense, la Russie reste européenne par sa géographie, par son histoire et par sa culture, et demeure notre (grand) voisin immédiat, riche en outre en ressources naturelles. Il est peu probable que nous revenions rapidement au niveau des relations pré-guerre et je doute que nous puissions réalistiquement corriger les errements d'une politique désastreuse à l'égard de la Russie dans les années 2000 et 2010 (très bien décrite par Thierry de Montbrial dans l'Ère des Affrontements). Toutefois, nous, Européens, pouvons à minima éviter une nouvelle guerre froide qui scinderait le continent en deux. Les jeunes Européens, qu’ils soient à l’Ouest, en Ukraine ou en Russie, devraient pouvoir jouir des opportunités qu'offrirait un nouveau rapprochement économique, culturel, voire politique avec la Russie.

La bonne nouvelle, c’est que la France a tous les atouts pour œuvrer dans ce sens. Les Russes demeurent francophiles. Ils n’ont pas dénigré notre culture comme nous avons dénigré la leur. Les entreprises françaises, dont l’écrasante majorité est restée en Russie après 2022, gardent un statut privilégié. Les canaux d’échange franco-russes ne manquent pas, et de nouvelles initiatives, semblables au Dialogue de Trianon par exemple, peuvent être facilement lancées.

Aujourd’hui il faut reconstruire la paix. Ne laissons pas les bellicistes et nostalgiques de la guerre froide faire subir aux prochaines générations un conflit qui n’en finit pas sur le continent européen. Les négociations entamées par les Américains représentent une opportunité pour engager à notre tour des pourparlers avec les Russes et faire valoir nos propres intérêts. Saisissons-la !

Tribune - De l’urgence de rétablir le dialogue avec la Russie

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