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La cuisine comme levier de soft power : le cas de la diplomatie gastronomique péruvienne

Citer cet article (ISO-690) :
Fanomezantsoa RAKOTONDRANAIVO
,  
2025
,  
La cuisine comme levier de soft power : le cas de la diplomatie gastronomique péruvienne
,  
CEDIRE.

Introduction

World Travel Awards 2024 : Le Pérou sacré pour sa gastronomie, sa culture et le Machu Picchu.”(1) Ce titre, relayé par la presse internationale, témoigne d’un phénomène de plus en plus visible : l’inscription du Pérou comme acteur majeur de l'attractivité culturelle et touristique mondiale. Lauréat de plusieurs distinctions, dont celle de “meilleure destination culinaire”, ce pays andin confirme, au-delà du symbole, la portée stratégique de sa diplomatie culturelle. Ce succès s’inscrit dans une dynamique plus large de mobilisation du soft power culturel. La gastronomie, grâce à sa capacité à fédérer et à représenter, y joue un rôle d’influence majeur.

C’est dans ce registre que le Pérou s’est affirmé au cours des deux dernières décennies comme un véritable pionnier en Amérique latine. (2) Là où d’autres pays du continent n’ont que partiellement structuré leur stratégie gastronomique, le Pérou a su mobiliser politiques publiques, en promouvant des chefs emblématiques tels que Gastón Acurio, initiatives privées et diplomatie institutionnelle pour construire un véritable récit. (3) Ce choix de se concentrer sur le cas péruvien, plutôt que sur d’autres expériences régionales comme celles du Mexique ou du Brésil, s’explique par le caractère précurseur, stratégique de la gastro-diplomatie péruvienne. Elle constitue aujourd’hui un modèle régional, tant par son rayonnement international que par capacité à fédérer une véritable identité nationale autour de la table.

Genèse et enjeux de la gastro-diplomatie

Souvent confondues, la diplomatie culinaire et la gastro-diplomatie relèvent pourtant de registres distincts, bien que complémentaires. La diplomatie culinaire renvoie à l’usage de la gastronomie dans les relations interétatiques officielles : il s’agit de soigner l’image du pays hôte lors des diverses réceptions diplomatiques, de banquets d'État ou dans les cuisines des ambassades (4). Ce type de diplomatie se déroule dans des espaces institutionnels, et s’adresse principalement aux élites étrangères : décideurs politiques, chefs d’Etat et corps diplomatiques. À l’inverse, la gastro-diplomatie se déploie dans l’espace public international en reposant sur des campagnes de communication et de promotion culturelle à large échelle, cherchant à toucher les opinions publiques étrangères. Une véritable stratégie de soft power tournée vers les populations qui vise à faire de la cuisine nationale un ambassadeur culturel à part entière. (5) La diplomatie culinaire semble protocolaire, là où la gastro-diplomatie semble plus populaire.

Le concept de gastro-diplomatie a émergé au début des années 2000, notamment dans les travaux du chercheur Américain Paul Rockower, avant d’être appliqué par plusieurs Etats d’Asie. (6) La Thaïlande est souvent citée comme pionnière : dès 2002, le gouvernement lance le programme Global Thai, visant à faire rayonner la culture thaïlandaise par l’implantation de milliers de restaurants à l’étranger. L’objectif était clair : faire de la cuisine thaï un vecteur d’image positive, susceptible d’améliorer la perception du pays et de renforcer son attractivité touristique. (7) Dans la même lignée, la Corée du Sud a su intégrer sa cuisine dans son arsenal de soft power  en synergie avec l’essor de la Hallyu, vague culturelle coréenne qui englobe la musique, le cinéma et la mode. Le programme Korean Cuisine to the World a permis de positionner la cuisine coréenne comme tendance mondiale, contribuant à la construction d’une image nationale moderne, dynamique et innovante. Cette valorisation du patrimoine culinaire s’est traduite par une forte hausse des exportations agroalimentaires, une croissance du tourisme gastronomique, et un renforcement des relations bilatérales grâce aux évènements culinaires et aux collaborations internationales. (8) Ces expériences asiatiques ont ainsi établi un modèle de référence,  démontrant la capacité d’un patrimoine culinaire à porter des messages diplomatiques puissants, non seulement sur le plan de l’identité culturelle, mais aussi comme vecteur économique et stratégique. (9) C’est précisément en s’inspirant de ces réussites que d’autres régions du monde, notamment l’Amérique latine, ont progressivement intégré cette approche à leurs stratégies de rayonnement international.

Au-delà de ces exemples précurseurs, il convient d’analyser plus précisément les ressorts de cette diplomatie culinaire. La gastro-diplomatie répond à des objectifs multiples, qui dépassent la seule promotion culturelle. Le premier est l’amélioration de l’image du pays : pour de nombreux États émergents ou anciennement marginalisés, il s’agit de redéfinir leur place sur la scène internationale, en s’éloignant des stigmates associés à la pauvreté, aux conflits ou à l’instabilité. (10) La cuisine, en tant que langage universel, permet de raconter une autre histoire plus inclusive, plus valorisante. Un second objectif est économique : en attirant l’attention sur ses spécialités culinaires, un pays stimule indirectement son tourisme, développe ses exportations agroalimentaires et valorise ses ressources locales. (11) Le cas péruvien illustre parfaitement cette dynamique économique : En 2023, plus de 2.5 millions de touristes étrangers ont visité le pays, générant environ 2,8 milliards de dollars US de recettes, dont une part croissante est attribuée au tourisme gastronomique. (12) Dans ce cadre, la gastronomie devient un outil de développement durable, de soutien à l’agriculture locale et de montée en gamme de certains produits emblématiques (quinoa, maïs, cacao). Les exportations agroalimentaires du Pérou ont atteint 10,2 milliards de dollars US, soit une hausse de 7,5% par rapport à 2022. Le pays est par ailleurs le premier exportateur de quinoa au monde, en exportant plus de 60 000 tonnes en 2023, ce qui a généré environ 140 millions de dollars US (13).

Enfin, sur le plan diplomatique et géopolitique, la cuisine sert à tisser des liens interculturels, à renforcer la coopération entre pays et à affirmer une image de marque nationale cohérente. Elle peut devenir un vecteur d’influence douce, là où les moyens militaires ou économiques peuvent faire défaut (14). Cela a notamment été le cas en novembre 2024, lors du sommet de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique) accueilli à Lima. Le Pérou a mis en avant sa richesse culturelle et gastronomique, lors d’un dîner de gala organisé pour les dirigeants mondiaux, qui a permis de mettre à l'honneur des plats emblématiques tels que le ceviche et la causa limeña. Ce qui a permis de présenter la diversité culinaire péruvienne à un public international, renforçant ainsi l'image du pays comme une destination culturelle et gastronomique de premier plan. (15)

La gastronomie au coeur du soft power péruvien

À partir du début des années 2000, le Pérou a progressivement intégré la gastronomie à ses politiques de rayonnement international. Cette dynamique s’est ainsi inscrite dans un contexte de redéfinition du rôle de la culture dans les relations internationales, et a été perçue par les autorités péruviennes comme une opportunité de transformation de l’image du pays sur la scène mondiale. (16) Marqué historiquement par des représentations associées à la pauvreté, et à l’instabilité politique mais aussi à la violence interne (notamment pendant les années de conflit armé avec le Sentier lumineux), le Pérou a mobilisé sa richesse culinaire pour construire un discours alternatif, centré sur la diversité culturelle, l’innovation et la paix sociale. Ce processus s’est appuyé sur la montée en visibilité d’une nouvelle génération de chefs cuisiniers tels que Gastón Acurio, qui ont contribué à institutionnaliser un récit national autour de la gastronomie comme patrimoine commun et possible levier de développement (17). La valorisation de la cuisine péruvienne s’est ainsi opérée comme une construction identitaire contemporaine, mobilisant à la fois les traditions locales, les produits autochtones et les techniques modernes de narration culturelle. (18)

De plus, cette valorisation de la gastronomie a été mobilisée comme un dispositif symbolique de reconfiguration identitaire, à même de renforcer la cohésion interne tout en projetant une image modernisée à l’étranger. Ce processus s’appuie sur un triple registre articulé autour de l’affirmation d’une fierté nationale fondée sur la diversité des traditions culinaire criolla, andine, amazonienne et afro-descendante, de la reconnaissance d’une identité plurielle valorisant les apports multiculturels indigènes, européens (italiens et espagnols notamment), africains et asiatiques (japonaise en l'occurrence) qui caractérisent l’histoire du pays. Parmi eux, on pense notamment au quinoa, au maïs, au cacao ou encore au piment, auxquels s’ajoutent des plats tels que le ceviche, désormais inscrit au patrimoine immatériel national. (19) La gastronomie est dès lors perçue comme un moyen de construire tout un récit sur la nation mais également d’être en phase avec les attentes et préoccupations de notre temps en matière de durabilité, d’authenticité et d’innovation. (20)

Ainsi pour ce faire, cette gastro-diplomatie péruvienne repose sur une coalition d’acteurs tant publics que privés, œuvrant à différentes échelles. D’une part, les pouvoirs publics, à travers des institutions telles que PROMPERÚ (organisme public dédié à la promotion du commerce extérieur), ont mis en œuvre une stratégie de promotion intégrée, qui associe la gastronomie aux secteurs du tourisme, des exportations agricoles ou encore de la diplomatie culturelle. (21) Cette stratégie s’inscrit dans une articulation plus large avec plusieurs ministères, notamment le ministère de l'Agriculture et le ministère de la Culture, qui contribuent à coordonner les politiques publiques en matière de patrimoine culinaire, de promotion des produits autochtones et de soutien aux circuits de distribution. (22) L’inscription de la gastronomie dans la politique nationale de marque-pays (« Marca Perú ») témoigne de cette volonté d’institutionnalisation qui a été coordonnée par PROMPERÚ. Parallèlement, les pouvoirs publics ont appuyé la professionnalisation du secteur à travers des investissements dans les écoles de cuisine, des programmes de fondation pour jeunes chefs et la valorisation des produits autochtones à travers des labels d’origine ou des campagnes de promotion agricole. D’autre part, des acteurs non étatiques ont joué un rôle déterminant dans la diffusion de ce modèle péruvien : le secteur privé, notamment les chaînes de restaurants, les écoles de cuisines ainsi que les entreprises agroalimentaires ont massivement investi dans la professionnalisation et l’internalisation de la cuisine péruvienne. Sans compter, les nombreuses ONG qui ont également accompagné ces efforts, en lien avec des programmes de développement rural, de sécurité alimentaire et de valorisation des savoirs ancestraux. (23) Enfin, les chefs évoqués précédemment tels que Gastón Acurio ont agi comme de réels entrepreneurs, médiateurs entre les sphères locale et globale. Ils ont contribué à inscrire la gastronomie dans les politiques nationales de développement et dans les stratégies de soft power. Le récit promu repose sur l’idée d’une cuisine accessible, plurielle, enracinée dans les territoires andins, amazoniens et côtiers, mais aussi tournée vers le monde. (24)

Une diplomatie culinaire structurée

Au-delà du territoire national, la diplomatie péruvienne a fait de la gastronomie un outil de représentation et de communication à l’international, mobilisé à travers ses réseaux diplomatiques. De nombreuses ambassades du Pérou ont participé à l’organisation d'événements culinaires, la promotion de chefs locaux, ou encore le soutien à l’implantation de restaurants péruviens dans des capitales stratégiques. Ce soutien s’inscrit dans une logique de diplomatie publique, visant à toucher directement les populations étrangères de ces pays et à renforcer la visibilité du Pérou comme acteur culturel global. (25) Les ambassades sont également mobilisées lors de journées internationales ou d’expositions universelles, où la cuisine devient un réel élément de démonstration de la diversité et créativité péruvienne. Ainsi, à l’occasion de l’Exposition universelle de Milan en 2015, centrée sur le thème « Nourrir la planète » , le pavillon péruvien avait été largement salué pour la qualité de la scénographie gastronomique et sa mise en avant de produits indigènes tels que le quinoa, la Mac ou encore le maïs violet. Cette participation a permis de renforcer la notoriété du Pérou dans les cercles internationaux liés à l’agriculture durable et à la biodiversité alimentaire. Le pays s’était déjà démarqué lors des éditions de Shanghai en 2010 et de Yeosu en 2012. (26) Dans cette dynamique, des initiatives ponctuelles telles que le « Día del Ceviche » célébré le 28 juin dans différentes villes du monde ont permis d’ancrer davantage la présence symbolique du pays dans les imaginaires collectifs étrangers. (27) Ces évènements s’inscrivent dans une logique de diplomatie événementielle, qui permet d’associer une véritable expérience sensorielle (mêlant goût, récit, convivialité) à la représentation politique du pays, ici, le Pérou.

L’autre pilier de cette diplomatie culinaire a été le festival gastronomique Mistura, organisé à Lima entre 2008 et 2017, sous l’égide de la Société Péruvienne de Gastronomie (APEGA). Ce qui a constitué une vitrine nationale et internationale de la cuisine péruvienne en rassemblant producteurs, chefs, restaurateurs, chercheurs et grand public. Mistura a joué un rôle central dans la construction d’une diplomatie participative, où la gastronomie devient un espace de dialogue et d’échange entre territoires, classes sociales et cultures. Au-delà de sa dimension festive, Mistura a fonctionné comme plateforme d’interface entre les politiques publiques, les acteurs privés et les réseaux internationaux, contribuant à renforcer la légitimité du pays. Cette expérience a été perçue comme un laboratoire de diplomatie culturelle sud-américaine, inspirant d’autres initiatives dans la région. (28)

Limites et perspectives régionales

L’expérience péruvienne en matière de diplomatie culinaire constitue aujourd’hui une référence régionale, tant par son degré de structuration que par sa capacité à articuler les dimensions culturelle, économique et diplomatique évoqués précédemment. Ce modèle a progressivement inspiré d’autres initiatives nationales dans l’espace latino-américain, où plusieurs États cherchent à capitaliser sur leur diversité culinaire pour renforcer leur soft power. Pour n’évoquer que le cas du Mexique, la reconnaissance par l’UNESCO en 2010 de la cuisine traditionnelle mexicaine comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité a constitué un levier important pour sa projection internationale. Les autorités mexicaines ont depuis intégré cette ressource dans leurs campagnes diplomatiques, en s’appuyant sur les diasporas, les chefs expatriés et les ambassades. L’ambassade du Mexique en France l’a par ailleurs rappelé dans une publication Facebook à l’occasion de la Semana de la Gastronomía. (29) Les initiatives de ce type ne manquent pas à l’échelle continentale, et témoignent d’un intérêt régional grandissant pour la gastronomie comme ressource diplomatique et instrument de différenciation culturelle dans un contexte globalisé depuis une vingtaine d’années désormais.

Cependant malgré son succès apparent, la diplomatie culinaire latino-américaine se heurte à un certain nombre de limites structurelles et critiques sociopolitiques. Un premier enjeu réside dans la dimension sociale de ces politiques : la mise en valeur internationale de la gastronomie nationale contraste souvent avec une accessibilité inégale des produits promus au sein même des pays concernés. Dans le cas péruvien, plusieurs études ont souligné que les plats ou ingrédients emblématiques, tels que le quinoa ou certains types de poissons utilisés pour le ceviche, restent inaccessibles à une large partie de la population, en raison de leur valorisation marchande à l’exportation.  De plus, la valorisation internationale de certains produits marins s’accompagne de tensions environnementales croissantes : ces dernières années, la surexploitation des ressources halieutiques au large du Pérou, notamment par des flottes étrangères comme les bateaux chinois a fortement accentué la pression sur les écosystèmes marins. (30) Ceci a provoqué une raréfaction de certaines espèces, telles que le calamar, essentiel à la cuisine locale et à l’économie des pêcheurs locaux. Cette situation, dénoncée par ces mêmes pêcheurs et relayée par les médias, montre les contradictions entre la promotion d’une gastronomie durable et les réalités quant à l’épuisement des ressources environnementales sous l’effet de la surpêche. (31)

Par ailleurs, la valorisation de l’identité culinaire nationale s’accompagne parfois d’une folklorisation des traditions alimentaires, qui tend à figer des pratiques culturelles dans des récits esthétiques, épurés de leurs dimensions sociales, historiques ou politiques. Ce phénomène peut conduire à une décontextualisation des savoirs autochtones, voire à une instrumentalisation identitaire au profit d’objectifs de communication externe. (32)

Enfin, la gastronomie, bien qu’ inclusive dans son principe, ne garantit pas nécessairement une réduction des inégalités internes. La réussite des chefs emblématiques ou la visibilité de certains territoires ne se traduit pas toujours par une redistribution équitable des bénéfices au sein des filières agricoles ou des économies locales.  A cet égard, il convient de souligner que la haute gastronomie péruvienne, internationalement reconnue,  (dont deux des cinq meilleurs restaurants du monde se trouvent à Lima) demeure cependant largement inaccessible à la majorité de la population en raison des prix relativement élevés. Cette situation contribue à réserver cette expérience à une élite majoritairement urbaine et touristique. En parallèle, la street food s’est massivement développée dans tout le pays, constituant pour beaucoup la “véritable” identité culinaire péruvienne en représentant une réelle opportunité économique pour les populations plus précaires, notamment les migrants, bien que cette dynamique soit à nuancer du fait de la prédominance du travail informel dans ce secteur. (33)

L’avenir de la diplomatie culinaire en Amérique latine pourrait reposer sur une approche régionale coordonnée, capable de fédérer les efforts nationaux autour d’une narration commune de la diversité et de la durabilité alimentaire. Une telle stratégie pourrait s’appuyer sur les structures existantes de coopération régionale telles que le CELAC, l’UNASUR ou encore les forums ibéro-américains afin de promouvoir la gastronomie comme patrimoine partagé, en lien avec les enjeux de souveraineté alimentaire, de développement rural et de transition écologique. Cependant, ce projet supposerait une capacité à mettre de côté les logiques concurrentielles, à construire de véritables espaces de dialogues entre Etats, acteurs de la société civile et producteurs sans omettre les représentants des populations autochtones. Ainsi une diplomatie gastronomique latino-américaine, si elle se veut véritablement inclusive, devrait être pensée non pas (uniquement) comme une vitrine du dit pays, région, mais comme un réel outil de transformation sociale, de justice culturelle et de coopération.

Conclusion

Le cas péruvien illustre bien le potentiel de la gastronomie lorsqu’elle est mobilisée comme vecteur de soft power. En mêlant identité culturelle, valorisation des ressources locales, professionnalisation du secteur ainsi que diplomatie publique, le Pérou est parvenu à transformer un champ traditionnellement considéré comme étant périphérique en un réel instrument central de sa projection internationale. L’institutionnalisation de cette démarche, portée tant par les acteurs du public que du privé,  a permis d’associer le pays à des valeurs de diversité et de durabilité, dans un contexte régional et mondial marqué par une forte concurrence. Toutefois, si la gastro-diplomatie apparaît comme un levier pertinent de communication culturelle, elle ne pourrait constituer à elle seule sur le long terme une solution aux défis internes qui traversent les sociétés latino-américaines. Les limites sociales, les risques de folklorisation ou encore les tensions liées à la marchandisation du patrimoine montrent que cette stratégie, pour être légitime, doit s’inscrire dans une réflexion plus large incluant justice sociale, reconnaissance des savoirs et l’inclusivité des politiques culturelles. L’instrumentalisation diplomatique de la cuisine ne peut pas être dissociée des rapports de pouvoirs qui la structurent. Enfin, la montée en puissance de la gastro-diplomatie dans plusieurs pays de la région ouvre une opportunité inédite pour l’Amérique latine : celle de construire, se rassembler derrière une seule et unique voix. Ainsi, une diplomatie gastronomique régionale, coopérative et solidaire, pourrait non seulement renforcer la visibilité de l’Amérique latine dans les forums globaux, mais également contribuer à repenser les formes de puissance culturelle, à rebours des modèles dominants, en collaborant avec les communautés locales.

(1)La rédaction du Figaro voyage. “World Travel Awards 2024 : Le Pérou sacré pour sa gastronomie, sa culture et Machu Picchu”. Le Figaro. 28 novembre 2024.

(2)Matta, R. “La valorisation de la gastronomie péruvienne. Analyse d’un objet patrimonial.”IRD Editions, 2013, pp 225-246.

(3)Matta, R. “Gastro-diplomatie : un soft power (pas si soft)”, ESSACHESS, Journal for communication studies, 2019, vol 12, n °1, pp 109-120

(4)Rockower, P.S. “Recipes for gastrodiplomacy. Place branding and Public diplomacy.” 2012, vol 8, n°3, pp 235-246

(5)Ibidem

(6) Naulin, S. “La gastronomie, un nouvel objet de politiques publiques ?”, Presses Universitaires de Rennes, 2020, pp 65-81

(7) Ibidem

(8) Ibidem

(9) Ibidem

(10) Poon, L. “Gastrodiplomacy : Cooking up a tasty lesson on war and peace”.  NPR, 24 mars 2014.

(11) Duhem, M. “A la recherche de l’authenticité, la gastrodiplomatie japonaise en France” Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2021, vol 1, n° 53, pp 97-108.

(12) Diario official del bicentanario El Peruano. “ El año de la gastronomía peruana”, 23 décembre 2023.

(13)PROMPERÚ, “Ficha de mercado para quinua”, 6 décembre 2023.

(14)Duhem, M. “A la recherche de l’authenticité, la gastrodiplomatie japonaise en France” Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2021, vol 1, n° 53, pp 97-108.

(15)Riot, A. “Le top 10 des évènements marquants de 2024 au Pérou”, Le Petit Journal .  Com

(16)Merino Araya, C. “Gastrodiplomacia : la nueva estrategia de diplomacia pública”, Cuadernos de Estudios Internacionales, pp 5-16

(17)Matta, R. “Gastro-diplomatie : un soft power (pas si soft)”, ESSACHESS, Journal for communication studies, 2019, vol 12, n °1, pp 109-120

(18)Ibidem

(19) Guardia, S. “Cocina Peruana : tradición, patrimonio cultural e identidad.” Fondo Editorial Universidad de San Martín de Porres (USMP), 2020, pp 37-70

(20) Husson, V. “Second temps : Gastrodiplomatie et écologie de l’alimentation”, Presses Universitaire de France, 2023, pp 63-113

(21)Matta, R. “Gastro-diplomatie : un soft power (pas si soft)”, ESSACHESS, Journal for communication studies, 2019, vol 12, n °1, pp 109-120

(22) Matta, R. “Visages contrastés de la patrimonialisation alimentaire au Pérou : acteurs, logiques, enjeux”, Fabric-Acteurs de Patrimoine. Implication, participation et postures du chercheur dans la patrimonialisation, 2015.

(23) Ibidem

(24) Goanec, M. “ “Gastro-diplomatie” au Pérou”. Alimentation Générale : la plateforme des cultures du goût, 12 septembre 2014.

(25) Takenaka, A. “ “Nikkei Food” for Whom ? Gastro-Politics and Culinary Representation in Peru”, Anthropology of food, 2019, n° 14.

(26) Cull, N. “Editorial : Digesting the Milan Expo, 2015”, Place Brand Public Diplomacy, 2015, volume 11, pp 169-174.

(27) Pérou. Ministerio de la Producción. “Este jueves 28 de junio se celebra el Día Nacional del Cebiche”, Nota de prensa gob.pe.

(28) Matta, R. “El boom gastronómico peruano : entre moda y promesas incumplidas” Entrevista a Isabel Álvarez. Anthropology of food, 2019, n°14

(29) Ambassade du Mexique en France, “En 2010, l’UNESCO a déclaré la gastronomie mexicaine patrimoine culturel immatériel de l’humanité (...)”, [Facebook], 9 mai 2025.

(30) Seibt, S. “Le mégaport de Chancay au Pérou, symbole de l’influence “made in China” en Amérique latine”, France24 [en ligne], 14 novembre 2024. (consulté le 16 juin 2025)

(31) Figaro, “Pérou : l’industrie de la pêche dans la tourmente du réchauffement des océans”, Le Figaro [en ligne], 12 décembre 2023. (consulté le 16 juin 2025)

(32) Matta, R. “Visages contrastés de la patrimonialisation alimentaire au Pérou : acteurs, logiques, enjeux”, Fabric-Acteurs de Patrimoine. Implication, participation et postures du chercheur dans la patrimonialisation, 2015.

(33) De Suremain, C.E, “ “Manger tradition” ou la fabrication d’un patrimoine alimentaire inégal (Lima, Pérou)” , TRACE, 2013, n°64, pp 50-65

Autres

Matta, R. “La construction sociale de la cuisine péruvienne. Une histoire de migrations et d’échanges culinaires”, Hommes & Migrations, 2010, vol 1238, n°1, pp 96-107

Matta, R. “The Gastro-Political Turn in Peru”, Anthropology of Food, 2019, n°14.

Molina, M. “Intangible heritage and gastronomy : the impact of UNESCO gastronomy elements”, Journal of Culinary Science & Technology, 2016, n°14, vol 4, pp 293-310.

Radio France, “Episode 4/4 : Le Pérou, nouvel eldorado gastronomique”, 22 décembre 2016, Série : Le goût des autres.

Wilson, R. “Cocina Peruana para el mundo : Gastrodiplomacy, the culinary nation brand, and the context of national cuisine in Peru”, Exchange : The Journal of Public Diplomacy, 2011, vol 2.

La cuisine comme levier de soft power : le cas de la diplomatie gastronomique péruvienne

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